Étude d’une œuvre : D’où venons-nous ? de Yang Ermin

D’où venons-nous ? Yang Ermin, 2019, lavis à l’encre sur papier Xuan

Œuvre emblématique d’un tournant dans l’approche esthétique de Yang Ermin, cette imposante composition se développe en une suite de cinq panneaux.

Cette œuvre de grand format, créée en 2019 réunit à la fois les thématiques chères à l’artiste que sont le paysage, la figure humaine et la nature morte et fait référence à la peinture lettrée traditionnelle chinoise et à la peinture occidentale, avec lesquelles Yang Ermin entretient un lien profond.
D’où venons-nous ? – dont le titre fait écho une fois de plus à une des œuvres majeures de Gauguin (D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?, huile sur toile datant de 1897-1898 et conservée au musée des beaux-arts de Boston) – résume à elle seule les préoccupations artistiques et esthétiques de l’artiste, à la manière d’un manifeste.

A droite de la composition, on discerne les monts Taihang, monts divins que Yang affectionne particulièrement et qu’il se plaît à peindre à différentes saisons et heures de la journée. 

A droite de la composition, on discerne les monts Taihang, À gauche, le sujet est plus difficilement déchiffrable puisqu’il consiste en un réseau de couleurs fragmentées. L’artiste lui-même dans un entretien avec les commissaires d’exposition affirme au sujet de ce pan de l’œuvre: « Je veux exprimer quelque chose d’inconnu, quelque chose de l’ordre du chaos primitif » (Yang Ermin, 2020). Or, dans les grands mythes primordiaux chinois, c’est du chaos primitif que naissent les montagnes…

Ces deux « panneaux » côtoient une œuvre de Gauguin, Arearea (1892, huile sur toile conservée au Musée d’Orsay) et une œuvre de Van Gogh, Tournesols (1887, huile sur toile conservée au Kunstmuseum de Bern en Suisse), reprises au lavis. Yang Ermin rend ici hommage à deux maîtres de la peinture occidentale qui ont su sublimer les couleurs dans leurs œuvres : Gauguin, le fauve, avec une œuvre issue de sa période tahitienne – sans doute la plus emblématique de l’artiste – où l’emploi de la couleur ne répond plus à aucune règle si ce n’est celle d’une liberté folle ; et Van Gogh avec des tournesols, motif qui symbolise à lui seul l’artiste hollandais. De plus, au-delà de la référence à Van Gogh, Yang Ermin se plaît à peindre cette céréale qui fait l’objet de cultures importantes dans le nord de la Chine et dont la symbolique solaire l’y a rendue omniprésente.

Au centre, l’artiste a représenté le peintre Qi Baishi (1864-1957), alors octogénaire, entouré de trois de ses plus jeunes enfants – Qi Baishi eut 12 enfants de deux épouses différentes – véritable symbole d’énergie vitale. Avec ce portrait de famille photographique retravaillé au lavis, Yang Ermin rend hommage à celui qui sut apporter une vigueur nouvelle à la peinture lettrée traditionnelle, dont il fut l’un des derniers grands représentants.

Textes extraits du dossier de presse de l’exposition « Yang Ermin, la réapparition de la couleur » prochainement présentée au Musée d’Art et d’Histoire Louis-Senlecq, à l’Isle-Adam.